Le Canada introduit des règles de limitation des intérêts et des frais de financement excessifs

Conformément aux recommandations du rapport BEPS (Base Erosion and Profit Shifting)[1] de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada introduit un régime de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (RDEIF). En termes généraux, les règles RDEIF limitent le montant des intérêts nets et des frais de financement qui peuvent être déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable à un ratio fixe des bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (BAIIDA). Ces règles devraient entrer en vigueur pour les années d'imposition commençant le 1er octobre 2023 ou après.

En ce qui concerne la limitation de la déduction des intérêts et des coûts de financement, les règles incluent les montants qui sont économiquement équivalents aux intérêts, ou qui peuvent raisonnablement être considérés comme faisant partie du coût du financement. Ces montants seront limités à un ratio fixe de 30 % du BAIIDA fiscal. Toutefois, pour faciliter la transition, un ratio fixe de 40 % s'appliquera aux années fiscales commençant le 1er octobre 2023 ou après et avant le 1er janvier 2024.

Les règles s'appliqueront aux contribuables résidents et non-résidents qui sont des sociétés et des fiducies. Les sociétés de personnes dont les dépenses et les revenus sont attribués à des membres qui sont des sociétés ou des fiducies seront également soumises aux règles RDEIF. Pour les non-résidents, les règles s'appliqueront au revenu imposable gagné au Canada. Les règles seront appliquées automatiquement aux contribuables visés, sans qu'aucune condition d'évitement ou d'objet ne soit applicable. Elles seront également appliquées après les limitations existantes de la déductibilité des intérêts et des frais de financement prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu, telles que les règles de capitalisation restreinte.

Certaines exclusions et certains choix s'appliquent

Les règles RDEIF comprendront une notion d'entités exclues. Il s'agit de sociétés privées sous contrôle canadien qui, avec toute société associée, ont un capital imposable utilisé au Canada inférieur à 50 millions de dollars canadiens. De plus sont exclus les groupes de sociétés et de fiducies dont le total des frais d'intérêt nets parmi les membres canadiens est de 1 000 000 $ ou moins.  Certaines sociétés et fiducies autonomes résidant au Canada, y compris les groupes composés exclusivement de sociétés et de fiducies résidant au Canada qui exercent toutes leurs activités au Canada, sont exclues. Cette exclusion ne s'applique pas si un non-résident est une société étrangère affiliée à un membre du groupe ou détient une participation importante dans celui-ci, ou si un membre du groupe a un montant important d'intérêts et de frais de financement à payer à un investisseur indifférent à l'impôt, comme les personnes exonérées d'impôt et les non-résidents.  En outre, il existe également une exemption sectorielle pour les projets d'infrastructure des partenariats public-privé canadiens.  L'exemption s'appliquera aux intérêts et aux frais de financement de tiers qui sont engagés à l'égard d'un emprunt ou d'un autre financement qui a été conclu dans le cadre d'un accord avec une autorité du secteur public canadien pour concevoir, construire, financer et entretenir des biens immeubles ou réels appartenant à une autorité du secteur public.

En ce qui concerne les choix, les membres canadiens d'un groupe de sociétés ou de fiducies auront la possibilité de choisir conjointement l'application d'une règle de ratio de groupe pour une année d'imposition. Essentiellement, la règle du ratio de groupe permettra à un contribuable de déduire des frais d'intérêt et de financement supérieurs à son ratio fixe, à condition que le contribuable soit membre d'un groupe comptable consolidé dont le ratio des frais d'intérêt nets de tiers au BAIIDA comptable dépasse son ratio fixe. Le groupe devra être en mesure de le démontrer sur la base d'états financiers consolidés vérifiés selon les normes internationales d'information financière (IFRS).

Capacité excédentaire non utilisée et report des intérêts et des frais de financement refusés

Si les frais d'intérêt et de financement nets d'un contribuable dépassent le maximum autorisé pour une année d'imposition, il peut utiliser sa « capacité excédentaire », c'est-à-dire la capacité inutilisée des années précédentes, pour permettre la déduction. La capacité excédentaire inutilisée du contribuable peut être reportée des trois années d'imposition précédant immédiatement une année d'imposition donnée et est automatiquement appliquée pour réduire le montant des intérêts et des frais de financement dont la déductibilité serait autrement refusée dans l'année donnée. Les intérêts et les frais de financement dont la déductibilité est refusée en vertu des règles sont reportés sur une période maximale de vingt ans. Les contribuables seront autorisés à déduire leurs intérêts et frais de financement restreints dans la mesure de leur capacité excédentaire au cours d'une année d'imposition ultérieure.

Événement de restriction des pertes

À l'instar du traitement des reports de pertes autres qu'en capital, les reports d'intérêts et de frais de financement restreints d'un contribuable restent généralement déductibles après un événement de restriction des pertes, tel qu'une prise de contrôle par un tiers sans lien de dépendance, dans la mesure où le contribuable continue à exercer la même activité. Toutefois, la capacité excédentaire cumulée non utilisée d'un contribuable ne survit pas à un événement de restriction des pertes.

Règles transitoires

Les règles transitoires permettent aux contribuables qui en font le choix de reporter sur trois ans leur capacité excédentaire pour les années antérieures au régime, cette capacité excédentaire étant incluse dans le calcul de l'excédent cumulé non utilisé du contribuable. Les règles transitoires cherchent à se rapprocher de ce qu'aurait été la partie inutilisée de la capacité excédentaire du contribuable si les règles RDEIF s'étaient appliquées. Sans ces règles transitoires, un contribuable n'aurait pas de capacité excédentaire pour les années antérieures au régime lorsque les règles RDEIF ne s'appliquaient pas.

Prévoir à l’avance

Compte tenu de la nature de ces nouvelles règles, les industries à besoin élevé en capital, telles que l'immobilier et les startups, seront touchées de manière disproportionnée. Le Canada a indiqué que la version finale de ces dispositions restera largement inchangée, mais n'a pas exclu la possibilité d'y apporter quelques modifications mineures. Les sociétés doivent donc partir du principe que les règles sont dans leur forme finale et en tenir compte dans leurs prévisions futures.

Même si ces règles seront appliquées mécaniquement, les sociétés auront le choix d'appliquer ces règles individuellement ou de manière groupée. Il peut donc s’avérer judicieux de prévoir dès maintenant l'impact de ces différentes voies afin de faciliter une planification optimale.

[1] Point 4 du rapport BEPS

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Michel Rhéaume

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